À l'époque de Corona, le nombre de personnes autorisées au cimetière est limité. Néanmoins, je recommande de ne pas reporter les funérailles. S'ils le font, les proches se chargent d'une affaire en suspens pour plus tard et leur propre processus de deuil est bloqué. Au lieu de reporter les funérailles, je recommande un rituel dans un cadre restreint avec transmission directe par zoom pour un groupe de personnes plus important, un enregistrement par vidéo ou la perspective d'un service commémoratif ultérieur, par exemple après six mois.
Même en temps dit normal, je mets un point d'interrogation derrière le souhait d'un enterrement silencieux dans le cercle familial le plus proche. Chaque personne a vécu son histoire et touché touché son entourage. La cérémonie d'adieu est une occasion unique d'honorer et d'apprécier cette histoire, qui prend ainsi des contours plus larges (et donc plus réalistes) et une existence durable. De par cette histoire, les personnes endeuillées sont reliées les unes aux autres par leur propre relation avec le défunt, ce qui peut alléger mutuellement leur souffrance.
Le défunt "appartient" non seulement à sa famille immédiate – terme d’ailleurs très flou. Outre les liens du sang, il a noué d'autres liens pour lesquels il aimerait également qu'on se souvienne de lui. La guérison consiste à permettre à tous ceux qui le souhaitent de se recueillir près de la tombe et d'y ancrer leurs propres souvenirs ainsi que leurs propres images d'espoir. Même si les circonstances (cause tragique ou prématurée de la mort) font que les mots manquent, il est utile de nommer son propre mutisme et, précisément par ce biais, de le surmonter dans une certaine mesure. Cela crée une présence tangible et une proximité interpersonnelle.
Une fois qu'un tel espace commun de résonance a été créé, il n'est plus dérangeant lorsque le cercueil ou l'urne est enterré par le jardinier du cimetière en réponse à un hochement de tête. Au contraire, le silence respectueux qui accompagne ce dernier acte d'adieu exprime l'intimité unique de ce moment, inscrit dans le grand mystère de la vie que certains appellent Dieu et d'autres la nature.
